Franc-maçonnerie en Charente-Maritime

Franc-maçonnerie et francs-maçons en Charente-Maritime de la Troisième à la Cinquième République (Éditions des sires de Pons – Université Francophone d’été de Jonzac.

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-Préface

Vingt années de recherches, trois volumes parus : Francis Masgnaud a mené à bien l’histoire des francs-maçons et de la franc-maçonnerie en Charente-Maritime, dont il avait livré le premier volume en 1989. Il s’agit là d’une œuvre « pionnière », la première qui traite de l’histoire des loges et des maçons d’Aunis et de Saintonge depuis l’Ancien Régime jusqu’à nos jours. Il est permis de dire aujourd’hui – l’ensemble étant soumis au jugement du lecteur – qu’il s’agit aussi d’une œuvre exemplaire, d’une parfaite érudition et, par conséquent, d’une parfaite honnêteté. L’auteur a eu bien raison de livrer à tous ceux qu’intéresse le sujet traité – et d’abord aux historiens – des textes significatifs, le plus souvent reproduits intégralement. Quoiqu’il émette des jugements et des appréciations toujours mesurés, Francis Masgnaud sait que la franc-maçonnerie a été l’objet de trop de dénigrement et de suspicion pour que l’on puisse se contenter d’un exposé sans preuves au double sens qu’avait ce mot chez les historiens et les érudits des XVII e et XVIIIe siècles.Il est le premier à reconnaitre qu’il reste encore des textes à découvrir, de petits mystères à éclaircir – par exemple l’histoire du trumeau de Montendre, peint au XVIII e siècle à de multiples exemplaires, dont l’un, prélevé en 1940 par un militaire germanique se trouve peut-être aujourd’hui en Allemagne, mais dont un autre a été retrouvé à Jonzac (je renvoie d’avance le lecteur curieux aux pages 239 à 241 de ce volume). Aucune trouvaille nouvelle ne pourra, en tout cas, infirmer ni même notablement modifier le fond d’une œuvre érudite qui est aussi un excellent travail d’historien, d’un historien soucieux – d’un bout à l’autre d’un récit qui s’étend sur deux cent cinquante années – de ne jamais séparer l’histoire des loges saintongeaises et aunisiennes de celle de la maçonnerie française dans son ensemble. On perçoit fort bien, dans ce troisième volume, combien les courants généraux de l’histoire maçonnique se manifestent dans les loges de la Charente-Inférieure de la Troisième République radicale et anticléricale. Nous sommes bien loin de la Maçonnerie des Lumières, peuplée d’officiers de la marine royale.La modification du recrutement est évidente, en effet, pour qui parcourt la liste des francs-maçons de la Charente-Maritime – laquelle occupe 138 pages de ce volume ! Que d’instituteurs, d’employés des chemins de fer, de gendarmes, d’employés subalternes de l’administration. À ces « hussards de la République » se mêlent naturellement les grands notables, sénateurs, députés, ministres, et même un gouverneur général de l’Indochine. On attend la notice d’Émile Combes, maçon exemplaire dans l’opinion commune. Maçon négligent, fort mal vu de ses Frères pontois dans la réalité historique ! Ce n’est pas la moindre surprise apportée par un livre, où tous les lecteurs régionaux retrouveront des noms connus, qui vivent encore dans la mémoire charentaise. A l’exemple de Combes, médecin et chercheur d’ossements antédiluviens, beaucoup, parmi les plus notables eurent comme profession – ou comme passion – la médecine, la pharmacie, l’optique, la météorologie, les sciences naturelles, toutes sciences en plein essor à la charnière du XIX e et du XX e siècles, quand les savants étaient persuadés d’avoir pénétré les lois fondamentales de l’univers. Il serait injuste de passer sous silence la qualité de l’illustration que l’auteur a pris soin d’enrichir de documents inédits, souvent conservés dans sa propre collection. Celle-ci complète fort bien un travail hautement recommandable, que l’Université francophone s’honore de patronner.

Jean Glénisson,
Correspondant de l’Institut,
Directeur de recherche au CNRS,
Directeur d’études à l’Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales
Directeur honoraire de l’Institut de Recherche et d’Histoire des Textes,

Extraits

– Les loges et la religion

Sous la Troisième République, l’attitude de la Maçonnerie vis-à-vis de la religion s’est, de beaucoup, éloignée de celle qu’elle avait au XVIIIe siècle. Désormais, il n’est plus question que l’impétrant se présente à l’initiation vétu en saint Jean (c’est à dire le cœur à nu). II n’est même plus question de loges de saint Jean.

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La Grande Loge de France va continuer à travailler au nom du Grand Architecte de l’Univers, mais, pour beaucoup de ses membres, l’appellation n’est plus que symbolique. Il faudra attendre l’implantation d’Ateliers de la Grande Loge Nationale Française pour voir un retour à la religiosité. Et encore y aurait-il beaucoup à dire sur le sujet car plusieurs des Frères de cette Obédience, de mes amis, s’affirmèrent croyants seulement pour être admis (mieux encore, le principal animateur de la très sérieuse loge nationale de recherche Villard de Honnecourt à écrit, dans la préface de l’un de mes livres : Si tu rencontres Dieu, tue-le ! car il n’est jamais qu’une idole inventée par l’égo. C’est, au contraire en tuant ses égos successifs que l’observant parvient à se libérer des apparences et de la souffrance, tout en libérant les autres… Déjà, en mars 1870, la loge de Poitiers, organisatrice du congrès régional, mettait à l’ordre du jour deux questions :– 1/ de l’influence de la confession sur les femmes– 2/ le fanatisme religieux et le fanatisme politique sont les deux principaux pourvoyeurs des asiles d’aliénés. Cela veut-il dire que l’on doive se désintéresser des questions politiques et religieuses ? Malgré les tracasseries de Broglie, ministre de l’Intérieur du gouvernement d’ordre moral, malgré la surveillance étroite des loges, notamment à propos des enterrement civils, l’anticléricalisme reste dans les limites de la bienséance. Ainsi, en 1878, la loge de Rochefort fonde une Caisse des Écoles dont ne pourront bénéficier les établissements congréganistes, mais quand quelques mois plus tard, un frère propose une batterie d’allégresse à l’annonce de la mort de l’un de nos plus cruels ennemis, M. Dupanloup, la loge, à l’unanimité, s’indigne de l’inconvenance de la proposition ! En 1886, le Grand Orient demande à la loge de La Rochelle de revoir son règlement intérieur et d’en supprimer les mots mystères et charité maçonnique, étant donné qu’il résulte surabondamment du titre premier de la constitution que nous n’avons pas de mystères à proprement parler et que la constitution parle de fraternité et de solidarité mais pas de charité.

Le 22 mars 1894, les membres de la loge rochefortaise protestent contre la modification de l’article 28 des statuts du Grand Orient qui tend à évincer tout Conseiller de l’Ordre qui ne se serait pas engagé par écrit à renoncer, pour lui et ses enfants mineurs à toutes pratiques religieuses. Ils informent de leur réprobation les participants au congrès des loges de l’Ouest puis impriment un manifeste qu’ils adressent à toutes les loges de France, mais qui reste sans écho. Il faut dire que les Maçons du Grand Orient s’éloignent de plus en plus de la religion, avec une conséquence inattendue : ils vont inventer des rituels maçonniques pour remplacer les rituels religieux des sacrements : baptêmes maçonniques des lowtons (enfants de francs-maçons), reconnaissances conjugales (voir ci-après), obsèques maçonniques à la formule très évocatrice, pourtant, du religieux : gémissons, gémissons, gémissons, mais espérons !).

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En février 1896, un contremaître charpentier de l’arsenal, membre de la loge rochefortaise est enterré civilement à Galgon (Gironde). Devant l’hostilité de la population locale – l’enterrement a eu lieu sous les huées – les Maçons de Libourne font poser une pierre tombale pour éviter que la sépulture ne soit profanée. Heureusement, cette guerre d’influence revêt, parfois, des formes moins tragiques. C’est le cas du questionnement de la loge de Pons sur l’éventuelle appartenance maçonnique de Pie IX, (Benoît XIV a également été supposé appartenir à l’Ordre) : le comte Giovanni Mastaï aurait été initié par la loge La Chaîne éternelle, de Palerme. Il passait, dans sa jeunesse, pour libéral avant de signer, en 1846 une énième encyclique condamnant la franc-maçonnerie (et proclamé, en 1854, le dogme de l’immaculée conception puis, en 1870, l’infaillibilité pontificale).

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Deux semaines plus tôt, le 8 juillet 1907, un conseiller de l’Ordre, qui inspectait la loge visita l’ancien couvent des Ursulines que le Frère Émile Combes fit acheter pour en faire une école (la chapelle servira à des conférences républicaines). Il y a vu aussi les appareils destinés à calmer les sœurs dont le tempérament ne s’accommodait pas encore de la vie monastique (…) Peut-être serait-il utile d’avoir ces objets pour le musée.

Le 25 octobre 1909, la loge rochefortaise L’Accord Parfait qui, souvent, s’était opposée au militantisme anticlérical du Grand Orient et avait rejoint le Suprême Conseil en 1904, émet les plus vives protestations lors de l’exécution par le gouvernement espagnol de Francisco Ferrer membre de la loge Verdad (Vérité) de Barcelone, apôtre de l’École moderne : Cet affreux assassinat qui est une offense à la liberté de conscience et au progrès civil en lutte contre les ennemis jurés de la franc-maçonnerie, j’ai nommé l’alliance du Sabre et du Goupillon.

– Les loges et la politique

En 1869, une loge du Suprême Conseil avait tenté de se constituer à Rochefort. Le sous-préfet écrivit au préfet tous ces individus font partie de la classe ouvrière, presque tous sont dépourvus de revenus et connus pour leur opinion démocratique. Leur but essentiel serait l’assistance mutuelle, et ils n’auraient pas demandé la formation d’une nouvelle loge si celle qui existe avait voulu les recevoir mais elle refuse d’admettre des individus en position d’être assistés. Ils manifestent une grande hostilité à son encontre. Ce sentiment pourrait, dans les circonstances présentes, être exploité au profit du parti conservateur. Mais ces individus ne présentent de garantie sous aucun rapport. D’après cela, leur constitution ne pourrait être autorisée et tout ce qu’il convient de faire est de les engager à se borner à une simple association d’assistance mutuelle. Pour demander à s’affilier à la loge existante ou à se constituer en loge, ces individus (sic) devaient déjà être Maçons. Le vénérable de la loge locale, qui était engagé politiquement (il fut sous-préfet en 1848) ainsi que Conseiller de l’Ordre pendant vingt ans, ne souhaitait pas se faire déborder sur sa gauche. En avril 1870, le ministre de l’Intérieur écrit au préfet que l’administration n’a pas à intervenir dans l’organisation intérieure des loges mais se borner à les autoriser ou les interdire selon qu’elles ont reçu ou non l’institution de l’obédience. Le 30 janvier 1874, le préfet informe les sous-préfets et commissaires de police : le gouvernement (d’ordre moral) désire avoir des renseignements détaillés sur les loges maçonniques. L’incendie des bureaux de la Sûreté justifiait (?) la reconstitution d’un fonds détruit mais, surtout, permettait de revoir des rapports jugés succincts voire complaisants, qui ne dataient que d’un an mais ne renseignaient ni sur les luttes électorales, ni sur les enterrements civils.

En janvier 1898, une discussion violente oppose deux Frères de la loge rochefortaise au sujet de l’affaire Dreyfus (Rochefort est l’une des principales villes de garnison) et le vénérable éprouve les plus grandes difficultés à ramener le calme. L’affaire Dreyfus est à l’origine de la création de la Ligue de la Défense des Droits du Citoyen, qui deviendra la Ligue des Droits de l’Homme. Un Maçon rochefortais, Édouard Grimaux, figure parmi les neuf fondateurs. Le département resta longtemps celui où la Ligue fut le mieux implantée, avec une centaine de sections et huit mille adhérents. Ce n’est pas un hasard si les premières sections sont créées dans des fiefs maçonniques et animées par des francs-maçons (ni si Marianne, dans plusieurs mairies, arborait des décors maçonniques).

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Le 19 avril 1901, un conseiller de l’Ordre visite la loge de Rochefort : Je suis resté deux jours à Rochefort pour y faire une inspection et surtout me rendre compte de certaines difficultés politiques survenues en cet Orient et m’efforcer d’y remédier. Ce rapport montre bien la nouvelle tâche dévolue aux cadres de l’obédience . Et cette lutte qui oppose la droite cléricale à la gauche anticléricale, soutenue par la franc-maçonnerie, aura pour point d’orgue l’affaire des fiches, qui éclate en 1904 (une de ces fiches est reproduite ci-après).

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En juillet 1921, les Maçons rochefortais écrivent au Grand Orient : Considérant que la vie humaine est sacrée et que certains chefs militaires nommément désignés par des témoins oculaires et auriculaires ont méconnu ces principes en faisant fusiller sans jugement et en tirant au sort les victimes, en faisant condamner des officiers ou soldats sans qu’ils aient pu présenter leur défense ou se faire assister d’un avocat, considérant que ces façons d’agir sont en contradiction avec les plus élémentaires principes de justice et d’humanité ; émet le vœu que le conseil de l’Ordre élève sa protestation publique et demande le jugement des coupables.

Par décret du 19 août 1940,Vichy dissout la franc-maçonnerie. Les Allemands envahissent la zone libre le 11 novembre 1942, un Frère de Marennes photographie sa loge quelques minutes seulement avant que l’ennemi n’y pénètre (voir le paragraphe intitulé Particularités de la Maçonnerie).

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La presse locale publie la liste des francs-maçons et le Journal Officiel celle des Frères fonctionnaires. Dévoilés et livrés à la vindicte des collaborateurs, chassés de leur emploi dans la fonction publique, leurs commerces boycotés, par conviction et par nécessité, ils entrent dans la Résistance.

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Le 27 mai 1942, Roger Lecotté, décrit par d’aucuns comme un maçon sans tablier, c’est-à dire un ami des francs-maçons (il sera même maintenu à la tête du fonds maçonnique de la Bibliothèque Nationale après guerre !!!), c’est dire s’il bénéficiait d’appuis, vient à Montendre récupérer le matériel maçonnique dont la conservation doit être assurée (pour le compte des Allemands) et faire détruire le reste à la hache. ..

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Sur les quatre Maçons rochelais disparus durant la guerre, deux étaient juifs, un était résistant et, celui désigné on ne sait pourquoi comme otage était également membre de la Résistance (FN), mais les Allemands ne le savaient pas. Cinq membres de la petite loge de Montendre sont arrêtés comme résistants et meurent en captivité (l’un avait réussi à se faire embaucher au service des plans de la kriegsmarine). Un sixième est tué par les allemands. A Rochefort, Edmond Grasset, membre de la loge La Démocratie, qui avait fondé, fin 1940 un Comité d’Action Socialiste, officier de liaison du groupe Honneur et Patrie est abattu par deux miliciens. Jean Hay, membre de L’Union Rétablie de Marennes avait constitué un réseau. Déporté, il meurt à Ebensee le 21 avril 1945. Son beau-frère, agent de liaison du groupe Honneur et Patrie, se déplaçait (à vélo !) vers les orients de Royan, Jonzac, Pons, Montendre et Niort où il avait pour contacts des Maçons résistants. À La Rochelle, Norbert Bouchon, de L’Union Parfaite, cacha des parachutistes alliés, cinq autres membres de sa loge appartenaient à la Résistance dont le commandant Fabre, démissionnaire d’office comme franc-maçon, qui protesta jusqu’à sa réintégration et … éloignait systématiquement les patrouilles de gendarmerie de lieux de parachutages. À Oléron un Frère du Château est contacté par l’OCM pour constituer un réseau. En 1942, son groupe s’étendait sur Saint-Pierre, Dolus, La Brée. À Pons, le vénérable, fondateur du réseau Mithridate est arrêté par la gestapo, incarcéré à Angers puis libéré par manque de preuve. Un membre de sa loge, organisateur du maquis de Gémozac, participe très activement à la Résistance dans la poche de Royan. Est-ce en hommage à tous ces Maçons résistants que l’encerclement, l’attaque et la libération de la poche de Royan prit pour nom de code  » Opération Vénérable  » ?

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Entre juillet 1952 et juin 1996, 17 loges vont être crées. Avec une grande diversité : Liberation Lodge n° 8 (GLNF) qui, de décembre 1954 à décembre 1979 initia 1 anglais, 1 australien, 1 polonais, 19 Français et 288 américains ; Orient-Occident, dont le titre fut choisi en hommage au Frère René Guénon ; Imhotep, du rite de Memphis Misraïm, Saint Martin, du Régime Écossais Rectifié, créée à la GLISRU (Humanitas) et passée à la LNF ; Louis-Claude de Saint Martin, loge d’étude de la LNF ; L’Amour Fraternel, de la GLTSO , les autres étant sous l’obédience de la GLNF, du GO et de la GL.

Après la création de l’OTAN, en 1949, les soldats américains s’étaient installés dans le département dès 1950. À leur départ, en 1966, ils étaient 29 000 en France. Une loge existait à l’intérieur de la base américaine de Croix Chapeau. Le journal interne à l’armée US, Basec Mission, annonçait les prochaines tenues et rendait compte de certaines. Par exemple, dans le n° du 8 juillet 1955, on apprend que le vénérable de la loge rochelaise est le lieutenant colonel Robert M. Lantz et que le picnic organisé le 4 juillet (fête nationale) rassembla plus de 240 membres et invités. Ces Maçons, en 1955-56, visitaient la loge de Rochefort L’Accord Parfait. Pour fêter ces rencontres, les Maçons rochefortais firent confectionner pour chaque visiteur des empiècements de cuir personnalisés (voir ci-après), qu’ils fixaient sous la bavette de leur tablier. Ces visites cessèrent quand les Américains apprirent que la loge appartenait à une obédience non reconnue par la Maçonnerie anglo-saxonne !

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À  la même époque, mais durant toute leur présence, les Maçons noirs du camp de Fontenet, sous l’obédience de Prince Hall, fréquentaient la loge de Saint Jean d’Angély, sans états d’âme : leur obédience, composée de Frères de couleur étant déclarée irrégulière par les Grandes Loges des États Unis, réservées aux blancs. Bravo la fraternité !

– Particularités de la Maçonnerie de cette époque

Une de ces particularités est due au développement de la photographie : son essor, sous la Troisième République (où intérieurs de loges et portraits de francs-maçons revêtus de leurs décors, sont fixés sur le papier) doit nous faire considérer le cliché comme un document maçonnique à part entière, même s’il est rare qu’il soit daté. Il nous permet souvent de déterminer le rite pratiqué.

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La maison de retraite des francs-maçons fait même l’objet d’une carte postale (des archives obédientielles y furent cachées durant l’Occupation.

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Une autre particularité est la bonne intelligence qui existe entre les loges et le compagnonnage. Dès 1844, la loge de La Rochelle facilite la tâche des apprentis qu’elle patronne qui voudraient faire le Tour de France. Quand, en 1885, les Compagnons des Devoirs Unis, créent à La Rochelle une Société Fédérale, le vénérable de la loge locale est invité au banquet. Le 24 octobre de cette même année, L’Union Parfaite écrit à toutes les loges de la région : Le dernier congrès des loges de l’Ouest, tenu à Nantes, a chargé les loges du Mans et de La Rochelle d’étudier la mise à exécution des propositions faites par ces loges et ayant pour objet d’organiser des relations suivies entre la franc-maçonnerie et les corporations ouvrières, notamment les sociétés compagnonniques. Cette sorte d’alliance entre deux grandes institutions dont l’indépendance et l’autonomie respectives doivent être placées au dessus de toute atteinte, mais que rapprochent si manifestement leurs sentiments et leurs aspirations et qui semblent trouver dans des traditions, des usages, même des légendes communs, une véritable fraternité d’origine, a été rendue facile par la fondation de la Fédération Compagnonnique, réunissant ou appelant sous le même drapeau fraternel les sociétés compagnonniques jusque là séparées par des préjugés d’un autre âge. Ces relations, qui permettront d’unir dans chaque occasion utile les forces des deux institutions sœurs existent déjà, les fédérations compagnonniques nous ayant plusieurs fois fait l’honneur de nos inviter à leurs fêtes d’inauguration (…).Ces marques de sympathie et l’accueil fait par les Compagnons à notre projet a été développé devant eux à chacune de ces occasions (…) et nous avons résolu, de concert avec la fédération compagnonnique de La Rochelle, de réunir ici un congrès mixte, composé des délégations de toutes les loges maçonniques et de toutes les fédérations compagnonniques du département dans lequel seront débattues et fixées les bases de congrès réguliers. Le congrès s’est tenu le 22 novembre. La presse locale s’en fit l’écho. Nous sommes loin de l’attitude de la loge de Rochefort vis-à-vis d’ouvriers de l’arsenal, il est vrai « très » politisés et qui ne faisaient pas forcément partie de l’élite ouvrière. J’ai connu plusieurs Compagnons qui étaient également franc-maçons. Le vénérable fondateur de la loge de Surgères, qui avait créé la Société Surgérienne de Constructions Mécaniques (la célèbre fabrique de moteurs de marine Poyaud), avait bâti une cité pour ses ouvriers, la fourmi, et fait don d’un bâtiment où se réunissent francs-maçons et compagnons, ces derniers ayant la charge de son entretien.

– Des curiosités maçonniques

Les diplômes, sceaux et patentes maçonniques de la Troisième République à nos jours, sont d’une banalité affligeante, en tout cas bien moins richement décorés que ceux des XVIIIe et XIXe siècles et laissent les collectionneurs sur leur faim. Ils peuvent se rabattre sur des médailles de loges et jetons (les anciennes matrices sont aujourd’hui réutilisées) et des objets d’usage courant, ornés de symboles maçonniques : presse-papiers en sulfure, canifs, montres, et les très (trop) connues boîtes à pilules.

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– Commentaires

– dans Haute Saintonge du 2 mai 1998, reprise de la 4 e de couverture ;

– dans Humanisme n° 243 de décembre 1998 :

Saviez-vous qu’Émile Combes n’était guère apprécié par ses Frères de la loge de Pons ? Vous en trouverez les causes dans l’étude que Francis Masgnaud a consacré aux loges de la Charente-Maritime qui forme le troisième volume d’une saga qui fait honneur a l’érudition maçonnique française (Roger Dachez). Le lecteur trouvera la liste, la plus référencée possible, des Maçons du département. Il constatera que l’ordre a longtemps su conserver un recrutement populaire : des commis de marine et ouvriers de l’arsenal, des artisans et petits commerçants, des instituteurs, des cheminots, des employés, des militaires. Un tailleur d’habit tient, durant vingt ans, le premier maillet de la loge de Marennes. La Maçonnerie forme les cadres politiques d’un département de tradition radicale où s’épanouissent également la Ligue des droits de l’homme et la Libre Pensée. Relevons quelques noms de personnalités : le protestant Eugène Réveillaud, William Bertrand, Gustave Perreau, Maurice Palmade qui appartiendront à divers gouvernements de la Troisième. Tous les parlementaires ne furent pas des Maçons exemplaires : Albert Faure et André Hesse tombent avec les affaires Oustric et Stavisky ; Jean Hay, par contre se rachète d’un vote en faveur de Pétain par son engagement dans la Résistance et meurt en déportation. Émile Pouzet, premier élu socialiste du département, ami de Jaurès, était membre de L’Accord Parfait à Rochefort. Francis Masgnaud décrit minutieusement la vie des loges et les conflits internes : des Maçons activistes quittent, en 1908, L’Accord Parfait trop modéré pour fonder La Démocratie qui mène la campagne contre la fermeture de l’arsenal alors que, dans l’autre sens, La Sincérité à Saintes, qui avait brandi l’étendard de la révolte contre les autorités conservatrices du suprême conseil, achève sa course à la GLNF. De la description des temples au contenu des travaux, des questions politiques ou religieuses aux controverses hiramistes, la vie maçonnique a, dans ce département, été particulièrement animée. L’institution, venue généreusement en aide aux républicains espagnols, subit la répression vichyste et les Maçons s’engagent dans la Résistance. La loge de Montendre, Les Pionniers du Progrès perd six des siens ; d’autres frères de la Rochelle, Royan, Oléron, Rochefort sont fusillés ou meurent en déportation. Un ancien fonctionnaire de le Bibliotheque nationale qui a joui ultérieurement d’une réputation flatteuse auprès de nombreux Maçons est plus qu’égratigné pour sa conduite en ces années sombres. Comme en 1845, où la loge de La Rochelle avait ouvert le cycle des congrès régionaux, la Maçonnerie de la Charente-Maritime témoigne aujourd’hui d’un dynamisme exemplaire. Le Grand Orient, en particulier, est implanté à La Rochelle, Rochefort, Pons, Oléron, Surgères, Saint-Jean d’Angély et Montendre.