Dhammaville, un monastère bouddhique vietnamien en Haute-Vienne (en attente d’édition)
Préambule
Tout d’abord, quelques lignes en préambule au préambule. Cette publication, contrairement à celles antérieures et à venir, est auto-publiée. Pas par goût, mais parce que je n’ai pas trouvé d’éditeur pour la réaliser. Non pas par désintérêt pour le sujet mais parce que je tenais absolument à ce que les illustrations soient en couleurs, ce qui rendait le coût de réalisation prohibitif (ces illustrations, nombreuse et collant trop au textes, je ne pouvais me résoudre à les regrouper en un cahier central). Comme, pour chacun de mes écrits je donnais à l’éditeur un texte fini, qu’il n’avait plus qu’à transmettre à l’imprimeur pour le flashage, l’aspect technique, pour moi, n’était pas un problème, celui de la distribution, par contre …. (l’édition, c’est un métier). Trop de recherches intéressantes (je pense notamment à celles d’un ami sur Georges Fourest) resteront à jamais dans les tiroirs et disparaitront avec leur auteur, alors que des nouveaux supports (CD, DVD, mise en ligne sur internet) permettraient leur publication. C’est pourquoi je m’y essaie. Et, tout comme le recours à ce support, nouveau pour moi, nécessitait une explication, mes motivations à voir ce texte publié en nécessitaient, je crois, aussi. D’où le présent préambule : D’aussi loin qu’il m’en souvienne, j’ai de tout temps cherché à me connaître mieux, afin de m’améliorer. Avec pour principe : une journée où l’on n’apprend rien est une journée de perdue. Une quête qui ne peut être que personnelle avec, toujours en tête, le propos de l’anarchiste ukrainien Nestor Makno : Descendez dans vos propres profondeurs, cherchez-y la vérité, créez-la vous-mêmes ! Vous ne la trouverez nulle part ailleurs. Si la franc-maçonnerie a été, est, et sera toujours pour moi un passionnant sujet d’étude (Loges et francs–maçons de la Charente, à paraître) et si j’ai pensé, un temps, comme Roger Dachez, qu’elle était le lieu électif d’expression d’une pensée, d’une philosophie, d’une vision religieuse, mystique et spirituelle, je n’y ai pas trouvé – sans doute parce que j’ai mal cherché – le dernier réceptacle d’une tradition occidentale ésotérique et humaniste. Elle a probablement été tout cela mais ne l’est plus depuis bien longtemps. Les confréries de pénitent transmettaient des valeurs similaires à celles prônées par la Maçonnerie, mais en les appliquant au quotidien. Probablement que si ces confréries du Limoges du XVIIIe siècle existaient encore, telles qu’elles étaient naguère, j’aurais sollicité mon admission à l’une d’elles : ma quête étant proche de celle de leurs membres et je me serais sans doute accommodé assez aisément de leur esprit frondeur. J’ai eu tort de croire – et je me suis longtemps entêté – que je pourrais m’approprier, dans divers systèmes spirituels, les éléments qui m’agréaient. Même si ces ajouts pouvaient sembler incohérents, difficiles à expliquer, à justifier (d’ailleurs, sur le plan personnel, nous n’avons rien à justifier). Mais, ce qui est possible dans le domaine des arts martiaux, où les synthèses se multiplient, souvent avec efficacité, parfois avec bonheur, il ne peut en aller de même pour ce qui est de l’ordre du spirituel. Parce que chaque système, qu’il soit religieux, mystique, initiatique, offre à celui qui le reçoit un ensemble cohérent se suffisant à lui-même. Même si, nous allons le voir dans les lignes qui suivent quelques maîtres vietnamiens éclairés ont réussi dans cette voie étroite. N’étant pas du niveau de ces grands esprits, plutôt que d’essayer de faire cohabiter ce qui ne peut aller ordinairement ensemble, mieux me valait choisir, dans un système connu existant, LA voie qui me convenait le mieux. Même si elle était méconnue de la plupart ou passait, auprès d’aucuns, pour une hérésie. C’est la raison pour laquelle je suis revenu au bouddhisme et, depuis quelques années, je me suis converti à sa forme sociale, pratiquée par les paysans du delta du Mékong, voie que je cherchais à approcher depuis une trentaine d’années et que j’ai, finalement, trouvée (voir page suivante).
« Mon » bouddhisme
Je m’étais, depuis mon plus jeune âge, senti attiré par le mode de vie et de pensée des habitants de l’Asie du Sud-Est. Lorsque j’allais chez ma grand-mère, qui vivait à Rochefort, je traversais le cimetière de la Marine, situé entre la gare et son domicile : là, sur la dizaine de tombes de soldats indochinois, décédés dans les années vingt, étaient déposés bouquets de fleurs, paquets de cigarettes et bouteilles de bière, régulièrement renouvelés. À cette époque, à Toulouse, j’accompagnais ma sœur lors de ses visites à une parente, cité Madrid, dont l’appartement, véritable musée de la Cochinchine, recélait – entre autres – de très anciennes statues de Bouddha. Bien que peu orthodoxes, ce furent là mes premières rencontres avec le bouddhisme. À l’âge de douze ans, au printemps 1963, une vérité s’imposa à moi lors d’une séance de cinéma : aux actualités Pathé, on voyait à Saïgon la répression de manifestations par des centaines de policiers et militaires, des arrestations, des bonzes, victimes parmi les manifestants, leur visage ensanglanté par les coups de crosse, un char funéraire précédé de milliers de moines portant des pancartes avec un portrait, vraisemblablement celui du défunt. Tout cela était pour moi si nouveau, si étrange et prégnant, qu’une seule chose me préoccupait : en savoir plus sur ces événements. De retour à la maison, je me précipitais sur les journaux. En quelques minutes, je découvris une photo en première page du journal local, Le Populaire du Centre, qui m’horrifia et me fascina à la fois, celle d’un moine en train de s’immoler, stoïquement assis au milieu des flammes, en position de méditation, les mains jointes, le dos bien droit, comme si l’horrible événement qu’il était en train de vivre ne le concernait pas.
Dans une parution antérieure, le journal rendait compte, en détails de la mort de Thich Quang Duc transformé en torche vivante, à travers les flammes on pouvait voir qu’il continuait à prier. Ma décision était prise : je serai bouddhiste, de la même obédience que ce moine qui était capable d’un tel don de soi et aussi de supporter à ce point la douleur. Longtemps je fus hanté par l’image de l’immolation de Thich Quang Duc. Chaque fois que je souffre, je pense à ce grand moine (il présidait le Comité des Rituels du Rassemblement du Bouddhiste Vietnamien Unifié). Dans ma quête personnelle, j’étais bien seul – et très jeune – je m’accommodais très bien, naturellement – mais aussi parce que ne pouvant faire autrement – de cette pratique individuelle domiciliaire (et mon adhésion au hoahaoisme, au crépuscule de ma vie, est un retour à cette pratique, mais, cette fois cohérente et souhaitée et non plus subie). Plus tard, je fréquentais plusieurs pagodes de Dordogne, sans y trouver un parfait contentement. Celle de Noyant, dans l’Allier, correspondait mieux à ma recherche et je m’y sentais bien, tout comme au monastère de Rancon, que je visitais épisodiquement. J’y revins plus régulièrement avec mon épouse qui y trouvait le double intérêt d’y pratiquer sa religion et sa langue maternelle. Un jour, nous fûmes reçus par le vénérable Huyen-vi, dans son bureau, et là, ma surprise et mon émotion furent grandes de voir figurer en bonne place un grand portrait de Thich Quang Duc. Je revins très régulièrement à Rancon et, au bout de quelques mois, le moine responsable nous demanda de « prendre refuge ». Si Hoang accepta d’emblée, je demandais à ce que, pour moi, le rituel fut en français : mon engagement ne pouvant avoir de valeur que s’il était compris. Le vénérable rechercha une date, arrêta celle de Chuan Dé (c’était également celle du Vesak dans la tradition theravadin) puis la cérémonie eut lieu, avec un moment fort, la révélation de nos noms bouddhistes qu’il avait depuis longtemps choisis, sans nous en avertir : Minh Quang et Dieu Duc. Ainsi, quand nous sommes ensemble nous formons le nom de celui dont le cœur, malgré une immolation puis une crémation, est resté intact. Le texte qui suit lui est dédié.
Préface
De longs séjours au Vietnam, plus particulièrement à Hanoï, entre 1970 et 1986, m’ont permis de constater l’état apparent du bouddhisme durant cette période difficile. La navrante aventure de la pagode reposant sur un seul pilier (diên huu) abattue par certains colons français et restaurée à partir de 1955 grâce aux relevés de l’École Française d’Extrême Orient est, certes, le symbole de la pérennité religieuse malgré les interdits politiques, mais aussi de l’attachement de la France à la tolérance et à une laïcité bien comprise. Il ne faut donc pas s’étonner qu’au sein de régions françaises d’ancienne tradition chrétienne se soient implantés des monastères bouddhiques d’obédiences et pays divers, dont une vingtaine de lieux de méditation et de prière vietnamiens. Le monastère Tùng Lâm Linh Son situé à Rancon près de Limoges en est un remarquable exemple. La France, avec ses 600 000 bouddhistes est le pays européen le plus attaché à la Voie enseignée par le Bouddha. Si 400 000 fidèles sont d’origine asiatique, 200 000 Français sont venus les rejoindre, même s’ils n’ont pas tous pris refuge. Les raisons principales de cette adhésion viennent principalement d’une certaine désaffection des dogmes catholiques et de la prise de conscience de ce qu’est la vie intérieure. Pour beaucoup, le concept d’un dieu nommé et les croyances qui en découlent bornent l’esprit lors de l’approfondissement des réalités spirituelles. « Si tu rencontres Dieu, tue-le », car il n’est jamais qu’une idole inventée par l’égo. C’est, au contraire, en tuant ses égos successifs que l’observant parvient à se libérer des apparences et de la souffrance tout en libérant les autres.
Francis Masgnaud, en prenant refuge aux cotés de son épouse, est entré dans le haut chemin. Il nous offre aujourd’hui son témoignage en même temps que, par l’image, il nous fait pénétrer au cœur du monastère que le Vénérable Thich Huyen Vi a dénommé Dhammaville lorsqu’il a acquis le terrain au lieu dit Les Bosnages, en 1986. Que de travaux depuis cette date ! Les photographies nous restituent la chronologie de ces efforts jusqu’au jour de l’inauguration deux ans plus tard et ensuite lors des travaux d’aménagement, en particulier l’érection de la statue de Quan Thé Am puis le transport de celle de Dia Tang dans un temple plus vaste en 1999. Depuis, le monastère de Rancon apparaît, certes, comme un lieu privilégié du bouddhisme vietnamien en exil, mais son existence a résonné d’ores et déjà dans le monde entier comme en témoignent les visiteurs de toutes nationalités qui, surtout lors de la retraite d’été, affluent vers Dhammaville.
Francis Masgnaud illustre les cérémonies principales qui s’y pratiquent : fêtes du Tet, du Vesak, vie et prières quotidiennes, danse de la licorne, célébration d’Avalokitesvara, prise de refuge, mariages et obsèques, l’ensemble permettant aux novices de se familiariser avec cette vénérable tradition essentiellement porteuse de miséricorde et de paix.
Frédérick TRISTAN,
Prix Goncourt 1983,
Grand Prix de la Société des Gens de Lettres 2000,
Chargé de missions en Extrême Orient de 1968 à 1988.
Le contenu de cette « plaquette » est calqué sur le déroulement des « découvertes » que j’avais organisées pour les nombreux visiteurs, il y a quelques années : une rapide présentation des bouddhas et des bouddhismes, un survol de l’histoire du bouddhisme vietnamien et la visite du monastère (c’est-à- dire des bâtiments, monuments, statues…) et de son temple, puis une invitation à découvrir les activités qui s’y déroulent, à assister aux rituels, cérémonies, fêtes, pour terminer en retraçant les différentes étapes de son édification.
Extraits
– Les bouddhas : il y a, selon les textes du canon pali (sutta, commentaires et sous commentaires), vingt-huit bouddhas (qualificatif qui signifie éveillé, venant du nom bodhi (l’éveil). Les vingt-sept premiers sont légendaires, le vingt-huitième est le bouddha Sâkyamuni, le sage (muni) du clan des Sâkya, le fils du roi Suddhodana et de la reine Maya : Siddhârta Gautama. Lorsque LE Bouddha est évoqué, c’est de lui qu’il s’agit, le bouddha historique, le fondateur de la doctrine. Dans le bràhmajàla sutra, Bouddha dit : Je suis devenu bouddha, vous deviendrez bouddha. De ce fait, les bouddhas du temps présent et ceux des temps futurs ne sont pas tous connus. Certains cependant le sont : ce sont les boddhisattva (êtres d’éveil), c’est-à-dire des bouddhas potentiels, qui ont renoncé (provisoirement, mais le provisoire peut durer très longtemps à l’échelle des kappa, les cycles cosmiques) à entrer au nirvana pour aider les humains sur la voie de l’éveil. Nous en citerons deux : Darmapala, le protecteur du Dharma, dont la tâche est de favoriser, développer l’enseignement du Bouddha et de le préserver dans toute sa pureté. il sera le millième bouddha ; le second, Maitreya, qui viendra sur terre quand le bouddhisme aura pris fin et proclamera le Dharma.
– Les bouddhismes : Le bouddhisme, issu de l’hindouisme, en a rejeté les dieux et les castes mais en a gardé les grands principes comme la fatalité de la réincarnation et le besoin de mieux assurer sa vie suivante.
– le Petit Véhicule (ou hînayâna) se réfère essentiellement à l’enseignement donné par le Bouddha à Bodhgaya, le lieu où il reçut l’Éveil. Il requiert une discipline sévère que l’on peut difficilement acquérir hors du cadre monastique et qui amène quelques happy few à l’état d’arhat (un état comparable à celui de nos saints). La principale branche du hînayâna est le Théravada (l’école des Anciens), répandue dans tout le sud-est asiatique, qui prétend représenter le bouddhisme originel.
– le Grand Véhicule (ou mahâyâna) se réfère à l’enseignement donné par le Bouddha à Gridrakûta consigné dans la prajnâ- paramitâ et ne considère pas la vie monastique comme essentielle. Il en élargit la notion de bouddhéité et aussi l’enseignement qui privilégie l’acquisition de valeurs telles que la sagesse, la compassion, l’amour universel, le don de soi, l’investissement dans le salut de l’humanité. Sa pratique conduit à l’état de boddhisattva, l’être idéal qui représente l’esprit d’Ananda et que l’on peut opposer à l’arhat du hînayânah, qui ne recherche l’Éveil que pour lui-même.
– l’Amidisme (ou Terre Pure), qui est la forme la plus extrême du Grand Véhicule puisqu’il suffit de réciter le nom d’Amitâbbha pour parvenir à l’Éveil (Na-mo Amito fo en han, Nam mo Adida phat en viet, Na-mu amida butsu en nihongo).
– la Voie du Milieu enseigne la vacuité (sunyatâ) et l’incapacité des langages et concepts à rendre compte de la réalité ultime. Sa philosophie a influencé profondément plusieurs écoles mahayanistes, notamment le ch’an et le vajrayâna.
– Le Véhicule du Diamant (vajrâyâna) aussi appelé véhicule tantrique (tantrayâna) repose sur une conception cosmique où macrocosme (l’univers) et microcosme (l’homme) sont en étroite corrélation. La pratique est centrée sur les tantras (textes sacrés qui enseignent comment réaliser certains rites ésotériques et les mantras, formulations répétitives de phrases ayant un pouvoir magique. Son but est d’atteindre la bouddhéité plus rapidement que par les voies ci-dessus évoquées.
– L’école de la Contemplation (dhyâna), mystique du bouddhisme amenée en Chine par Bodhidarma (qui aurait également initié les moines de Shaolin aux arts martiaux).
Le bouddhisme a revétu divers états, qui semblent opposés, comme paraissent l’être les bodhisattva (du Thich Ca Mâu Ni sérieux et émacié, dans sa période d’ascèse intense au Di Lac replet et rigolard) mais toutes visant au même but : l’atteinte de la bouddhéité.
Ces écoles aux enseignements au premier abord contradictoires peuvent même, parfois, fusionner : bien qu’elle rejette comme inutile l’étude des textes sacrés pour ne se livrer qu’à une méditation fondée sur l’intuition, la Contemplation (Thiên, en vietnamien) est combinée à l’amidisme (Tinh Dô) dans la congrégation Linh Son (comme elle l’était, autrefois, dans celles du Sixième Patriarche de la Terre Pure, connu au Vietnam sous le nom de Vinh Minh Dien Tho, qui vécut de 904 à 978). C’est le propre du bouddhisme vietnamien de cohabiter avec, voire d’incorporer, d’autres écoles, d’autres pratiques, qui font partie du patrimoine culturel de ses adeptes. Ainsi, les pratiquants du culte Ba Dong, de Noyant, fréquentent leur temple (qui est dans l’enceinte de la pagode) mais aussi celle-ci. Des Hoa Hao fréquentent, eux aussi, la pagode. Aussi, la divination par xin xam et thé am duong, qui n’a rien de bouddhique, est allègrement pratiquée dans la plupart des pagodes.
Aussi, en 1944, le maître Minh Dang Quang créa l’ordre Tang Gia Khat Si, synthèse de mahâyâna et de théravavâda. Et le vénérable (Hoa Thuong) Thich Thien Chau fonda l’institut bouddhique Truc Lam, école Thien Lieu Quan, qui avait pour ligne doctrinale une fusion entre mahâyâna et théravâda.
Son disciple, Thich Tam Truong, dont j’ai suivi l’enseignement, pratiquait pour les fidèles de la pagode Thien Vien Truc Lam de Marseille le mahâyâna, mais s’appliquait les règles théravavâdin.
Dhammaville, le monastère de Rancon :
L’implantation d’un monastère du bouddhisme vietnamien dans les monts du Haut Limousin surprend à peine tant, dans la région, la religion, de tout temps, a été originale : pèlerinages aux « bonnes fontaines » et culte des saints utilitaires y sont toujours pratiqués. À l’église de Rancon, au XIX e siècle, les conscrits venaient demander à saint Sébastien de tirer le bon numéo, c’est-à-dire celui qui les dispenserait de partir à l’armée. À quelques kilomètres de là, Villefavard et Balledent passent au protestantisme, au milieu du XIX e siècle. L’histoire, peu banale, mérite d’être contée : le curé de Villefavard, poussé par ses ouailles, avait prété serment à la constitution civile du clergé. S’étant ravisé, il s’enfuit par la fenêtre, pour ne pas être malmené. Il n’y eut plus de prêtres jusqu’en 1830, année où le maire demanda, en vain, un desservant. Il sollicita l’Église catholique française, de l’abbé Chatel (qui récusait Rome, disait la messe en français et niait la divinité du Christ). Le nouveau culte connut un prompt et vif succès. À telle enseigne que Villefavard devint archevêché ! Au grand dam de l’évêque de Limoges (voir Franc-maçonnerie en Haute-Vienne). Le 6 décembre 1843, le préfet prit un arrêté interdisant le culte mais les gendarmes ne purent mettre les scellés sur les portes de l’église : les paroissiens les ayant enlevées (on n’est pas loin des procédés des pénitents). Un prêtre, qui eut la mauvaise idée de vouloir ramener Villefavard au catholicisme fut promené à l’envers sur un âne coiffé de son tricorne. La population exigea la venue de desservants protestants qui, de 1844 à 1846 vont s’installer à Balledent, Chateauponsac, Rancon et Villefavard. Soit quatre pasteurs sur vingt-cinq kilomètres carrés, en zone rurale !!! Dans ce contexte local d’un rapport au religieux aussi abracadabrant, ce serait qu’il n’y ait pas eu un monastère bouddhiste qui paraîtrait étrange…
À la sortie de Rancon, route de Droux, nous tournons à droite, en direction des Bosnages, puis nous passons sous le portique, empruntons une allée bordée d’arbres, jusqu’à un nouveau portique sur la gauche, derrière lequel, trône une statue monumentale de Quan Thé Am Bo Tat. Quelques mêtres plus loin, sous un kiosque, la cloche qui appelle aux prières :
Tout près de là, au point le plus haut du monastère, le premier des quatre monuments représentant les principaux événements de la vie de Bouddha :
Ces quatre monuments représentent la naissance, l’éveil, le Bouddha parmi ses cinq premiers disciples et le nirvana. Le visiteur accède aux deux derniers par un chemin gardé par dix-huit arhats de marbre. A droite, le temple de Dia Tang comporte une pièce destinée à recevoir des urnes funéraires.
Nous visitons le monastère à des heures où les moines travaillent, se reposent ou méditent dans leur cellule, de façon à ne pas les déranger.
Si, seuls le vénérable, son second et deux nonnes y vivent toute l’année, durant la retraite d’été de nombreux fidèles et plus d’une centaine de moines et nonnes, venus des cinq continents y suivent, trois mois durant, l’enseignement du Maître.
Ce rassemblement estival, qui débute avec la fête du Vesak, se termine avec Ullambana (Lê Vu Lan Bon), la fête des morts. Le Vesak, qui commémore la naissance du Bouddha et se déroule le jour de la pleine lune de mai, est un événement joyeux : explosions de pétards pour chasser les mauvais esprits, offrandes à Bouddha, cérémonie du bain à la fin du rituel, repas végétarien et, l’après midi, danse de la licorne, musiques et chants vietnamiens, spectacles très prisés par le public nombreux (plus de 600 personnes).
D’autres cérémonies, plus rituelles celles-là, jalonnent la vie du pratiquant bouddhiste. La première d’entre elles, la plus importante, est la prise de refuge auprès de Bouddha, du Dharma, et de la Sangha (en suivant les cinq préceptes : ne pas tuer, ne pas voler, ne pas être impudique, ne pas mentir et ne pas boire d’alcool).
Les autres cérémonies sont le mariage
et les funérailles. Lors des cérémonies funèbres, le bandeau, porté par les proches du décédé (khan tang) est blanc, couleur du deuil en Chine et au Vietnam. Il est de couleur jaune pour les membres de sa communauté et leurs parents lorsque le mort est un moine (ou une nonne). Jaune aussi le carré d’étoffe arboré par les fidèles sur leur robe de prière (ao trang) et par les religieux, sur leurs vêtements de travail, en signe de deuil :
Dans les cortèges funèbres, les voitures transformées en autels mobiles, ne passent pas inaperçues.
Les cérémonies internes à la sangha (l’ordre des moines) sont parfois émouvantes telle la « tombée de cheveux »
ou le passage de novice à bhikkhu (que l’on devrait traduire par renonçant plutôt que par moine) et son engagement à respecter les 250 préceptes de la vinaya pitaka (la sadi ni prononcera 278 vœux, et s’engagera sur 348 préceptes lors de l’ordination complète.
Nous terminerons la visite de Dhammaville (qui a été, c’est important et rare au point d’être signalé, créé avec le soutien moral puis aménagé avec l’aide technique de l’Unesco) ainsi que la présentation de cette communication, par le rituel des brûlures. À ma connaissance, aucun des nombreux auteurs ayant écrit sur le bouddhisme et ses monastères n’a traité le sujet en profondeur (c’est le mot).
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