Franc-maçonnerie et francs-maçons en Charente-Inférieure de la Première à la Troisième République (Geste Éditions – Université Francophone d’été de Jonzac)
– Préface (extraits)
La faveur rencontrée par l’ouvrage qu’il a consacré, en 1989, au premier siècle de la franc-maçonnerie en Aunis et Saintonge a incité Francis Masgnaud à poursuivre une œuvre qui, achevée, comptera trois volumes. Le second, qui parait aujourd’hui, concerne la majeure partie du XIXe siècle : de l’avènement de la Première République au drame qui marqua, en 1871, la naissance de la Troisième. Ce livre tient toutes les promesses de celui qui l’a précédé. Car c’est un livre d’historien, scrupuleusement attaché à la recherche des sources. La quête n’a pas été facile, en raison de l’histoire tourmentée des loges ; l’Occupation a pillé ou détruit leurs archives (…) Mais cette recherche a été conduite avec patience et ingéniosité, jusque dans des dépôts inattendus. Il est peu probable que des documents d’importance aient pu échapper à l’attention de Francis Masgnaud. Celui-ci a été d’autant plus attentif à la collecte de la documentation qu’il a conscience de participer à un chantier qui demeure largement ouvert : celui de l’histoire de la franc-maçonnerie au XIXe siècle qui n’est encore qu’ébauchée. De là, le double caractère, encyclopédique et analytique du travail qui nous est offert. Encyclopédique, car il s’agissait de dresser un inventaire des sources et une liste des hommes. Les sources sont partout soigneusement citées et localisées, et il en est donné un ‘échantillon’ significatif dans les pièces justificatives, la plupart du temps reproduites en fac similé, qui accompagnent le texte. Près de quatre-vingts pages sont occupées par la liste des francs-maçons du département : travail scrupuleux et méticuleux, complété par des notices biographiques consacrées aux «frères» qui ont laissé des traces dans l’histoire. (…) A la lecture de l’ouvrage de Francis Masgnaud, on se convainc ainsi de l ‘inexactitude manifeste de l’image traditionnelle d’une franc-maçonnerie suffisamment hermétique et soudée pour agir en bloc, façonner l’opinion et imposer des solutions politiques. Peut-être les grandes loges de la Capitale exercèrent-elles une influence occulte et décisive au moment de la Révolution. En tout cas, au XIXe siècle, les loges de la Charente-Inférieure paraissent-elles quasi dépourvues de pouvoir. Nous attendons le troisième volume de la « somme » de Francis Masgnaud pour savoir ce qu’il en fut au temps de monsieur Combes.
Jean Glénisson,
Correspondant de l’Institut,
Directeur de recherche au CNRS,
Directeur d’études à l’Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales
Directeur honoraire de l’Institut de Recherche et d’Histoire des Textes,
Extraits
les loges militaires :
Plus encore que sous l’Ancien Régime, les loges militaires sont actives sous l’Empire. De nombreux poèmes circulaient en loge, magnifiant la fraternité et l’universalisme de l’Ordre.
Si le dieu des combats
partageait le monde en deux camps de soldats,
les Maçons unis,
de la Chine à Paris,
seraient toujours amis
Il n’est pas rare qu’un soldat sollicite un certificat de bonne conduite de son supérieur, qui répond au delà des espérances du candidat Maçon : le capitaine commandant le dépôt de la 1ère Légion du Midy certifie que le nommé Besson, fourrier au dit corps s’est toujours bien comporté et peut être admis parmi les Frères qui composent le R. Attelier de La Parfaite Union :
Mieux : le général Fuzier écrit à un commandant sous ses ordres qu’il lui accorde un congé de cinq jours au louable motif d’aller se faire recevoir Maçon en Oleron, lui faisant remarquer qu’il aurait pu postuler à la loge La Gloire Militaire, à laquelle il appartenait. Cette loge, qui prend rang le 12e jour du 11e mois 1803 existait trois ans auparavant. Elle avait été fondée par les Frères Bédarride qui, sous la Restauration, joueront un rôle prépondérant dans le Carbonarisme.
Rappelons-nous que les Quatre Sergents étaient en poste à La Rochelle et qu’ils seront honorés en loge, mais bien des années plus tard. La fraternité maçonnique des militaires n’était pas qu’une belle théorie. Les exemples sont nombreux de soldats dont le sort a été notablement amélioré du fait de leur initiation. Le général Chabrand, vénérable de La Gloire Militaire gracia un Frère déserteur et fit libérer sur parole des prisonniers Maçons… Des loges de prisonniers français en Angleterre furent constituées sur les pontons (voir l’un de leurs sceaux ci-dessus). Des Anglais francs-maçons furent incarcérés dans la tour de Rochelle, comme le montrent les graffiti qu’ils y laissèrent, tandis que leurs compatriotes fondaient la première loge d’Angoulême. D’autres, au combat, en très mauvaise posture eurent la vie sauve grâce au signe de détresse.
– la religion :
Les écrits des abbés Lefranc et Barruel, affirmant un prétendu rôle joué par la franc-maçonnerie dans la préparation et la réalisation de la Révolution, la signature du Concordat, ont amené très tôt un changement d’attitude des Maçons vis-à-vis du clergé. Aussi n’y a-t-il que deux ecclésiastiques Maçons en 1803 en Charente-Inférieure, il n’y en aura bientôt plus aucun. Par contre, cinq pasteurs protestants se font initier. Et les protestants continuent, massivement, à fréquenter les loges, contrairement aux catholiques qui les ont désertées. L’historien Pierre Chevallier verra même, dans la mise en place du premier congrès régional, à La Rochelle, en 1845, une similitude avec l’organisation des synodes protestants. Au début du XIXe siècle, les attaques des francs-maçons contre la religion sont encore modérées :
Aux anciens chapitres de moines Nous n’allons jamais à matines :
les nôtres ne ressemblent point. Tous nos travaux se font le soir
Nos n’avons, ici des chanoines Nos Chevaliers au lieu d’hermines
L’habit, les goûts, ni l’embonpoint ; Portent le cordon rouge et noir.
Par contre, à la fin du siècle, le rejet de l’Église sera tellement fort que les symboles religieux vont être supprimés des loges et L’Union Parfaite dissimulera le nom de Dieu (YHWH), figuré au centre du delta lumineux, derrière un masque antique !
L’iconographie maçonnique de l’époque montre de Molay, le Grand Maître des Templiers entre ses deux bourreaux, Philippe IV le Bel et le pape Clément V, tantôt en dessous d’eux (pour bien montrer qu’il en est la victime) ou, au contraire les dominant, les ayant vaincu au delà de la mort, montrant le triomphe de l’Ordre sur l’Église et l’État. Jacques de Molay a été immolé (sans jeu de mots) le 18 mars 1314. De son bucher il a maudit Clément V et Philippe IV, malédiction efficace puisque ses deux bourreaux ne verront pas l’année 1315, le premier décèdera le 20 avril (soit un mois après le décès de Molay) et le second 29 novembre.
Les Maçons du département écrivaient au Grand Orient, à propos des juifs, en septembre 1811 : les Maçons n’ont qu’une religion, ne forment qu’une famille : qu’ils observent des rites différents, qu’ils suivent des dogmes contraires, le but où ils tendent n’en est pas moins le même : tous rendent leur culte au même dieu et, si les autels sur lesquels fume leur encens sont différents, l’Être supérieur à qui cet encens est offert est également pour tous le Grand Architecte de l’Univers. La modification de l’article premier de la Constitution du Grand Orient en 1865 reconnait la liberté de conscience et prépare, dans cette logique, la suppression de l’obligation de croire en Dieu et en l’immortalité de l’âme, qui surviendra en 1877. Elle mettra la principale obédience française au ban de la Maçonnerie traditionnelle mondiale.
L’éviction du religieux des loges aura, pour les Maçons, une conséquence inattendue : le manque sera comblé par une plus grande recherche sur le symbolisme. Déjà, dans la loge de Saint Jean d’Angély, la décoration du temple, qui date de 1844, est remarquable, composée de dix allégories figurant dix statues de femmes en marbre, dans des niches, également de marbre, peintes en trompe-l’oeil. Elles représentent, dans l’ordre, la foi (1), la force morale (2), la force (3), l’espérance (4), la tempérance (5), la prudence (6), la sagesse (7), la charité (8), la justice (9) et la beauté (10). Cette succession n’a, a priori, pas de signification. En fait l’artiste a voulu symboliser les trois voyages initiatiques. Ces voyages se font, les deux premiers en triangle : de la première peinture à la quatrième puis à la huitième (foi, espérance, charité) : les trois vertus théologales sont associées ; le second voyage nous fait aller de la troisième à la septième puis à la dixième statue (force, sagesse, beauté) les Lumières de la loge ; le dernier voyage, de la deuxième à la cinquième puis à la sixième et enfin à la neuvième effigie nous fait découvrir les quatre vertus cardinales : force (morale), tempérance, prudence et justice, réparties aux quatre coins de la loge des Maitres, le Hikal.
– la politique :
Par l’originalité de son administration (président, vice-présidents, secrétaire, trésorier, élus) et par son fonctionnement démocratique la loge, dès le premier tiers du XVIIIe siècle, prédispose à l’engagement de ses membres dans la vie de la cité. A la fin de l’Ancien Régime, on les retrouve dans les assemblées de corps de ville, fondateurs puis animateurs des chambres de commerce, des académies locales, signataires des cahiers de doléances, participant aux états généraux. Sous l’Empire, la plupart des préfets sont Maçons (comme la plupart des officiers et officiers supérieurs). De la première à la troisième République, les Maçons élus (maires, conseillers généraux, députés et sénateurs) sont sur-représentés par rapport à leur nombre dans la population du département. Une des deux loges d’Oleron, composée principalement de militaires, décide de recevoir les Maçons détenus dans l’île mais s’engage à ne pas initier les déportés non Maçons. L’autre loge locale, où commerçants et artisans sont nombreux, plus timorée, demande l’avis de l’obédience. Qui sont ces déportés ? des babouvistes, avec à leur tête Buonarotti, futur carbonaro, Charles Germain qui, si le complot avait réussi, aurait été ministre de la guerre, plusieurs généraux, sympathisants de Malet et Pichegru, le général Simon, pour sa participation au complot des libelles, Méhée de la Touche, qui avait publié le Journal des Hommes Libres, le général Sabathier, l’écrivain Pierre Louis et plusieurs autres officiers (d’où la compréhension des militaires d’Oléron).
Les Maçons fêtent l’avènement du Premier Consul : le buste de l’Empereur trône dans les loges, dont certaines prennent pour titre Napoléon le Grand ou Napoléonmagne. En janvier 1811, des messages sont adressés à l’illustre famille impériale et à l’auguste enfant. Mais les guerres incessantes et le despotisme seront de plus en plus mal ressentis par les loges qui, dès 1812, connaissent le marasme (baisse de la fréquentation, difficultés à s’acquitter du don gratuit). Aussi, le ralliement est massif au retour des Bourbons. Le 12 mai 1814, les Frères de la très peu constante Constante Société écrivent au Grand Orient La France, rendue à ses Rois légitimes, fait éclater les transports de la joye la plus pure, propos tenus sans ambiguité dans la loge de l’ancien chef-lieu du département, composée en grande partie de cadres mis en place par le régime napoléonien et qui craignaient pour leur avenir (la Terreur blanche de 1815 n’est pas loin …)..
À La Rochelle, les Frères tirent une santé pour la paix que vient de nous accorder la famille des Bourbons. Après de tels propos, ils adoptent un profil bas et se tiennent cois durant les Cent Jours. Sous la seconde Restauration, la loge rétaise rajoute à la plume, sous les branches du compas de ses en-têtes imprimés, une fleur de lys :
En 1822 éclate l’affaire des Quatre Sergents de La Rochelle tandis qu’un Maçon niortais, Despierris, tente de soulever les garnisons de Rochefort et Oleron. Deux ans plus tard, une autre affaire terrible secoue la France et met en émoi deux ministres, celui de l’Intérieur et le Garde des Sceaux : un crime de lèse majesté ! Dans le discours qu’il fit en loge sur la mort de Louis XVIII, le Frère Pros, de Rochefort, a eu l’outrecuidance de comparer le roi défuncté à son désormais plus du tout illustre prédécesseur empereur. En 1832, le gouvernement frappe l’Atelier d’interdiction : les Frères doivent se disperser et le matériel de la loge est vendu publiquement. Le 31 mai 1842, elle plante l’arbre symbolique dans ses jardins (aucune allusion à l’arbre de la liberté, du fait de la surveillance auxquelles les loges sont soumises). En 1847, à la suite du congrès régional, la loge de Saintes est fermée. Son bouillant vénérable, Gaudin (attiré par le mysticisme et versé dans l’occultisme, se faisant le champion de la justice sociale), est élu représentant de la Charente-Inférieure à la Constituante de 1848. Il vote constamment avec l’extrême-gauche, tendance Barbès, se prononce pour le bannissement des Orléans, contre les poursuites à l’égard de Louis Blanc, pour l’abolition de la peine de mort. Il sera le chef de l’opposition républicaine en Saintonge, durant tout le Second Empire. En décembre 1847, il organisa un banquet républicain, présidé par le Frère Adolphe Crémieux. Il y fit un discours remarqué, dans lequel il opposait le courage civil au courage militaire (… c’est le courage du fonctionnaire, qui résiste aux exigences coupables du pouvoir…). A Rochefort, le 9 septembre 1850, la loge tire une triple batterie de sympathie en faveur du Frère Penaud, privé pour deux mois de liberté au sujet d’une chanson publiée dans son journal Le Travailleur. Après cette batterie, l’Atelier décide qu’il se rendra à la prison pour témoigner au Frère Penaud de nos sentiments fraternels. Le 12 novembre de l’année suivante une médaille de 5 francs est votée au Frère Bousquet, détenu pour une affaire politique. Le Livre d’Architecture porte, à la date du dix décembre, la mention : il convient de ne pas oublier qu’il y eu le coup d’état du 2 décembre. A la fin des années 1850, une crise grave, liée aux changements politiques et à l’évolution des mentalités, secoue le Grand Orient : la fin du mandat du Grand Maître Lucien Murat, en 1861, est houleuse. Son vote, en qualité de sénateur d’un amendement en faveur du pouvoir temporel a provoqué la colère des Maçons. Jérome Bonaparte, sollicité pour le remplacer, est élu mais se retire sous la pression de Murat, qui fait déclarer l’élection irrégulière. Deux autorités prétendent diriger le Grand Orient et, le 11 juin 1862, Napoléon III nomme le général Magnan (qui n’est pas Maçon) Grand Maître. Le vénérable de la loge de Jonzac présidait l’assemblée ayant élu le prince Napoléon.
Roche, vénérable de la loge de Rochefort, qui avait adressé à Murat une lettre ouverte le 25 juin 1861 est suspendu. Le 1er juillet, la loge écrit à l’obédience qu’elle approuve pleinement la conduite de son vénérable. Le 9 juin 1865, elle décide, à l’unanimité d’adresser à l’ambassade des Etats-Unis une planche de regrets, suite à la perte du Frère président Lincoln. Le 15 avril 1867, la loge, en présence des nuages qui s’amoncellent à l’horizon politique et de l’orage qui menace la paix des deux mondes, émet le vœu que tous les Maçons, au retour dans leurs foyers après l’Exposition Universelle, soient invités à faire les efforts les plus énergiques pour détruire cet horrible fléau, la guerre, qui tombe sur l’humanité par le fait de quelques potentats, et de proposer que les questions qui divisent les nations soient traitées dans des conférences internationales, les peuples n’étant pas créés pour faire de la chair à canon (alors que la SdN ne sera créée qu’en 1919, soit un demi siècle plus tard). Dans cette logique, le 21 juin 1868, une triple batterie, dirigée par le vénérable est tirée en faveur du Frère Monglond, comme témoignage de sympathie, à l’occasion de son exemption du service militaire. Le 24 juin 1870, la déclaration de guerre est annoncée en loge : immédiatement, trois souscriptions sont ouvertes : une souscription nationale pour les familles privées de leur chef (deux cents francs sont votés) ; une souscription nationale pour les blessés français ; une souscription internationale dévolue aux blessés, quelle que soit leur patrie, Français ou Allemands (l’Atelier vote quatre cents francs à l’unanimité).- Particularités de la Maçonnerie de cette époque. Les loges, durant cette longue période (et quel qu’en soit le régime politique) sont très surveillées mais ont pignon sur rue. Ainsi, L’Union Parfaite de La Rochelle, figure sur le plan officiel de la ville édité en 1866, au même titre que les édifices religieux et administratifs.
– l’action sociale des loges :
Un des principes fondamentaux de la franc-maçonnerie est le secours que le Maçon doit apporter à son Frère nécessiteux :
Chacun, pour le Frère indigent,
doit tirer le pain de sa bouche.
Vous qui, dans un besoin urgent,
montrez un cœur dur et farouche,
fuyez : nous vous méconnaissons
pour véritables francs-maçons.
Les livres d’architecture rendent compte de l’aide importante (plus par sa fréquence, d’ailleurs, que par son montant car les loges ne sont pas riches) apportée aux Frères malades, accidentés, invalides. Souvent, lorsque la détresse est trop grande, le nom du bénéficiaire n’est pas mentionné. Et il est également fréquent que des Maçons de passage sollicitent la générosité maçonnique. Cette aide s’applique également aux profanes, principalement lors de la fête de la saint Jean. Pour approvisionner le trésor de l’Hospitalier, il n’est pas rare que des tombolas ou des représentations théâtrales au profit des pauvres soient organisées. Fréquemment, les vénérables prononcent en loge des formules telles que : nos réunions n’ont pas seulement pour but de nous rendre meilleurs en y venant enfouir les défauts avec lesquels nous naissons tous, mais aussi en faisant par humanité tout le bien qu’il est entre notre pouvoir de faire. Lors de l’inauguration de la loge de Rochefort, en 1842, 68 kilos de pain et 27 kilos de viande sont distribués aux nécessiteux. Les dons de pain blanc et brun, de légumes verts, de sucre, de savon, de fagots, vêtements, chaussures et sabots sont fréquents. Une soupe populaire est mise en place, des rentes mensuelles de 5 francs sont allouées aux aveugles et infirmes nécessiteux. Le budget social de la loge, dans les années 1860 est de 4 000 francs par an. Mais les Maçons rochefortais estiment que d’autres nourritures doivent être promues et ouvre certains rayons de sa bibliothèque, gratuitement, aux profanes. Dans de nombreux Orients, des médecins Maçons soignent gratuitement les pauvres. À La Rochelle, la loge fait frapper un jeton sur lequel est gravé bon pour un kilo de pain, à échanger dans toutes les boulangeries de la ville, l’avantage d’un tel jeton étant de s’assurer de la destination de l’obole.
Une autre initiative de la loge rochelaise, à la même époque est de permettre à des enfants de familles pauvres d’accéder à un apprentissage, avec sollicitation de l’aide des loges situées sur le passage de ceux qui décideraient de faire le tour de France.
– les congrès régionaux :
Dans ces années 1840, la loge de La Rochelle, qui ne manque décidément pas d’idées novatrices, crée les congrès régionaux : en octobre 1845, L’Union Parfaite conçoit le projet d’un congrès annuel réunissant les loges de l’Ouest. Cette réunion devrait resserrer entre ces divers Ateliers les liens de fraternité et d’estime, régulariser leurs moyens d’action et permettre d’étudier en commun les questions relatives aux intérêts de la Maçonnerie. Elle propose de recevoir la première session et met à l’ordre du jour deux questions : 1/ des améliorations à introduire dans la Maçonnerie ; 2/ du paupérisme et des moyens à tenter pour guérir cette plaie sociale. Le congrès devait discuter de vœux à présenter au Grand Orient ainsi que des questions sociales proposées d’avance et étudiées par chaque Atelier. Les sessions devaient se tenir à tour de rôle dans chaque Orient, durer trois jours au plus et être dirigées par des officiers dignitaires spécialement désignés. chaque loge devait envoyer une députation de trois Frères. La loge de Rochefort réticente, sollicite l’avis de l’Obédience qui, tenant à conserver ses prérogatives, répond : il est interdit aux Ateliers de délibérer entre eux… Ce premier congrès se tint malgré tout les 20, 21 et 22 juillet 1845. L’Alsace emboîte le pas puis le Midi où le premier congrès est organisé à Toulouse, en 1847. Ils vont rapidement se généraliser et prendre une place importante dans l’organisation du Grand Orient, jusqu’à devenir des séances préparatoires aux convents.
– Des curiosités maçonniques :
La franc-maçonnerie ayant été particulièrement active dans le département de la Charente-inférieure, il n’est pas rare de trouver en salle des ventes, dans les brocantes ou vide greniers, de belles pièces maçonniques : jetons de présence, décors (tabliers, principalement de hauts grades), sautoirs, sceaux de loges,
ou des objets profanes, personnalisés pour des Maçons, comme cette pipe en terre ou des travaux de prisonniers sur les pontons et de bagnards :
Commentaires :
Un article de Jean-Claude Felon (une demi-page) dans Sud-Ouest ;
un article dans Humanisme, n° 236-237 de décembre 1997 : En 1989, Francis Masgnaud nous avait livré le premier tome Franc-Maçonnerie et francs-maçons en Aunis et Saintonge sous l’Ancien Régime et la Révolution, Rumeur des Ages, La Rochelle. On avait déjà noté l’abondance des sources, le sérieux de la méthode, la minutie de l’analyse et la clarté de la présentation. Les chapitres consacrés à ce qui se faisait et se disait en loge étaient particulièrement éclairants : on découvrait une maçonnerie d’aristocrates, de marins ou militaires nobles ou non, d’armateurs-négociants (presque tous impliqués dans la traite des Noirs), de corsaires, de capitaines de navires, de faïenciers, de gens de robe, de médecins et de professions artistiques. l.e second volume Franc-Maçonnerie et francs-maçons en Charente-Inférieure de la Première à la Troisième République tient les promesses du premier. L’auteur divise à nouveau son œuvre en deux grandes parties : la franc-maçonnerie d’abord, les francs-maçons ensuite. Le nouveau département la Charente-Inférieure va connaitre une vie maçonnique fort active avec dix loges réveillées ou créées sous l’Empire, sans compter des loges miliaires. Les décennies suivantes montrent une activité maçonnique plus modeste. Une analyse minutieuse de très nombreuses sources permet à l’auteur de faire revivre la vie des ateliers charentais, notamment les réceptions, les banquets et les activités caritatives. Le fait maçonnique charentais est, comme au tome précédent, bien saisi dans son environnement religieux et politique. On voit cheminer le processus de laïcisation et les évolutions spirituelles du siècle. Les pages consacrées au congrès de Royan de 1866 sont particulièrement éclairantes sur les débats entre conservateurs et progressistes. On appréciera les solides portraits de francs-maçons célèbres (ou pas), notamment le général de Chasseloup-Laubat, le peintre et écrivain Eugène Fromentin ou le radical Eugène Pelletan, l’importance des documents, souvent en provenance de collections particulières ainsi que la non moins nécessaire et impressionnante liste des francs-maçons de Charente- Inférieure.